Fiche de lecture : « L’Etat entrepreneur. »

Titre : « L’Etat entrepreneur : pour en finir avec l’opposition public-privé. »

Auteur(s) : Mariana Mazzucato.

Année de publication : 2020.

JEL Classification Code / Thème : H. Public Economics.

I. Résumé de l’ouvrage

L’État entrepreneur est un livre de Mariana Mazzucato, une économiste institutionnaliste et keynésienne qui est spécialiste des questions d’innovation. Son ouvrage a eu un fort retentissement académique et médiatique car son objectif n’est pas mince : poser les jalons d’une nouvelle croissance « intelligente, inclusive et durable ».

Tout au long de l’ouvrage, l’auteure déconstruit l’opposition qui est communément faite entre une sphère publique inefficace et un secteur privé ultradynamique en matière d’innovation. Cette opposition dans le discours a favorisé le retrait de l’État des activités innovantes et par là même le développement de la stagnation séculaire. En effet, elle montre que les organisations publiques, loin d’être des entraves au processus d’innovation dans l’économie, ont été historiquement au moins aussi importantes dans celui-ci que les entreprises privées.

II. Contexte de l’œuvre / Analyse critique

Publié initialement en 2013, l’ouvrage de Mariana Mazzucato doit être analysé à l’aune des cures d’austérité qui furent préconisées par bon nombre d’économistes, dans la plupart des pays développés et plus précisément au sein de l’UE, durant cette période. Selon l’auteure, cet objectif de réduction des dépenses publiques s’appuierait sur un narratif plus large qui verrait l’Etat comme un acteur économique inefficace.

D’après elle, cette perception de l’Etat inefficace et hypertrophié a été irriguée par les politiques de laissez-faire de Ronald Reagan et Margaret Thatcher des années 1970-1980. Ces dernières ne justifiant l’intervention de l’Etat que pour corriger les défaillances de marché et réguler le secteur public. Dans n’importe quelle autre situation, l’intervention de l’Etat serait inefficace voire contreproductive. Cette image détériorée du secteur public, au-delà de créer un cercle vicieux menant au délitement de sa capacité à agir, serait à l’origine de la stagnation séculaire dans laquelle les pays développés piétinent depuis 50 ans.

Son livre s’inscrit donc dans une « bataille rhétorique », selon ses mots, pour renouveler la vision de l’Etat. Elle souhaite montrer que cet acteur est beaucoup plus important qu’on ne le dit depuis un demi-siècle et qu’il est même central pour mener les pays développés vers une croissance inclusive et durable.

III. Synthèse des différentes parties de l’ouvrage

Dans son ouvrage, Mazzucato commence par critiquer méticuleusement le mythe de l’innovation comme simple progrès technique issu d’entreprises privées. En effet, ces dernières sont perçues comme des agents représentatifs dans les théories micro et macroéconomiques. En s’appuyant sur la théorie évolutionniste, elle développe plutôt une analyse en termes d’écosystèmes d’innovation en mettant plutôt en avant le rôle des réseaux d’acteurs dans le développement technologique (chapitres 1 et 2).

Grâce à cela, elle montre que l’Etat et les administrations publiques ont joué des rôles de premier plan dans le développement de l’innovation. Ces derniers permettent de couvrir les risques liés à la recherche fondamentale, mais aussi d’orienter les nouveaux paradigmes technico-économiques en général (chapitres 3 et 4).

Puis, Mazzucato étaye ses dires avec une analyse historique et institutionnaliste de l’innovation dans le secteur des NTIC aux Etats-Unis. Elle montre que des institutions publiques comme la DARPA, les départements de l’énergie ou de la défense américains ont été pionnières dans le développement d’innovations fondamentales pour le développement des NTIC : internet, le GPS, le hardware… (chapitres 5 à 7).

Enfin, Mariana Mazzucato préconise le développement d’écosystèmes non plus parasitaires (hausse des marges privées, suite à une augmentation des dépenses publiques), mais symbiotiques (développement conjoint de l’investissement public et privé dans la R&D). Cela peut passer par des conditionnalités dans la politique industrielle (voir sous-partie suivante), ou de la détention par l’Etat d’actions privilégiées dans le capital des entreprises qu’il finance pour pouvoir abonder un fonds de développement de l’innovation (chapitres 8 et 9).

IV. Pour aller plus loin

Dani Rodrik & Mariana Mazzucato (2023), Industrial Policy with Conditionalities: A Taxonomy and Sample Cases,, Working Paper, UCL IIPP, available at : <https://drodrik.scholar.harvard.edu/sites/scholar.harvard.edu/files/dani-rodrik/files/conditionality_mazzucato_rodrik_0927202.pdf>