
Titre : « Mon cours d’économie idéal. 8 brèves leçons pour tout comprendre. »
Auteur(s) : Yanis Varoufakis, ancien ministre des Finances de la Grèce (2015)
Année de publication : 2016.
JEL Classification Code / Thème : A. General Economics and Teaching
I. Résumé de l’ouvrage
« Ce livre n’a pas été conçu pour ennuyer le lecteur. Il a été écrit pour mettre à l’épreuve la capacité de son auteur à convaincre une adolescente récalcitrante que l’économie est trop importante pour être laissée aux seuls économistes. Et qu’elle peut même être amusante. En fait, je l’ai rédigé pour tester les limites de ma propre compréhension : si je ne suis pas capable d’énoncer clairement les questions fondamentales de l’économie, c’est que je ne les conçois pas bien moi-même. » Avec cet ouvrage, Yanis Varoufakis développe en effet un cours d’économie qu’il destine à sa fille. Il explique donc de manière simplifiée les grands thèmes économiques (le prix, la valeur, le profit, les crises, l’Etat) à travers 8 brèves leçons. En mobilisant des références plus atypiques comme Matrix ou Blade Runner, ce livre est donc une bonne introduction à l’économie.
II. Contexte de l’œuvre / Analyse critique
Ce livre est publié une année après le passage de Varoufakis au ministère des Finances de la Grèce et donc au sommet de son exposition médiatique. Dans son style très engagé, il débute par la question des inégalités qu’il pose comme centrale dans son système économique simplifié. Naturellement, cela traduit un parti pris idéologique et l’on retrouve au fil du livre la pensée économique de Varoufakis qui se qualifie lui-même de « marxiste libertaire ». Néanmoins, au-delà de ce positionnement idéologique qu’il est important d’avoir en tête, le livre est agréable à lire et permet d’appréhender les grandes notions économiques sous des angles différents. Même si cet exemple est très connu, il explique notamment la monnaie par l’intermédiaire des cigarettes dans les camps de prisonniers allemands lors de la Seconde Guerre Mondiale.
Jonché d’exemples tirés de la littérature, du cinéma, de la culture populaire plus globalement, il s’agit d’un cours d’économie agréable et original. Le livre est relativement court, moins de 220 pages, donc il aboutit nécessairement à des simplifications et ne peut pas traiter un nombre illimité de sujets, mais il reste efficace. On peut parfois regretter que certains concepts économiques fondamentaux manquent de définitions claires et identifiées puisque ceux-ci sont principalement mobilisés dans des histoires et des récits qui pourraient justement convenir à une jeune fille. Cela a néanmoins l’avantage d’envisager ces concepts hors des manuels d’économie standard et sous d’autres conceptions philosophiques. En d’autres termes, ce livre ne peut pas se substituer à un véritable manuel d’économie mais il constitue une approche intéressante pour un novice en la matière.
III. Synthèse des différentes parties de l’ouvrage
Le premier chapitre du livre est consacré à la question des inégalités, dans lequel il procède à une histoire de l’inégalité et montre que l’origine de l’inégalité viendrait de la première révolution « technologique » de l’humanité, à savoir l’agriculture. Varoufakis souligne également l’enjeu de la légitimation de l’inégalité : « il est étonnant de voir avec quelle facilité on se convainc que la distribution observée, surtout quand elle nous arrange, est « logique », « normale » ou « juste » (page 33). » Le second chapitre sur « le prix et la valeur » interroge justement ces concepts avec de très belles lignes sur la distinction entre valeur subjective et valeur d’échange : « ce que représente un coucher de soleil, une plongée, une histoire drôle est très différent. Ce sont des expériences vécues qui peuvent avoir une immense valeur subjective, mais aucune valeur d’échange (le coucher de soleil, par exemple, n’est pas à vendre). Et inversement, on peut raconter des histoires drôles sans y prendre aucun plaisir (sur scène notamment), mais gagner beaucoup d’argent (page 37). » Dans le troisième chapitre sur « dette, profit, richesse », on peut également lire une très belle métaphore sur le profit comme l’eau qui coule dans la baignoire (la richesse).
Après un quatrième chapitre sur « le crédit, la crise et l’Etat », il utilise vivement les expériences de Matrix et Blade Runner pour introduire les machines et développer le concept de marchandisation dans le cinquième chapitre nommé « machines hantées ». L’ordre des chapitres et leur agencement peut parfois sembler relativement étrange en guise d’explication de l’économie, mais il permet aussi à Varoufakis de mettre en place certains de ses récits populaires. L’exemple de Matrix est par exemple central dans le livre. Dans le sixième chapitre, il développe longuement sur « deux marchés œdipiens » que sont le marché du travail et le marché de l’argent (le marché des fonds prêtables en quelque sorte dans son explication). Le septième chapitre « des virus qui ne se prennent pas pour rien » est une critique du libéralisme outrancier et de son impact écologique. Enfin, le huitième et ultime chapitre est dédié à la monnaie où il synthétise beaucoup d’enseignements de l’ouvrage.
Pour conclure, Varoufakis mobilise une dernière fois Matrix, avec l’évocation du dilemme entre pilule rouge (vivre douloureusement dans la vérité) et pilule bleue (vivre heureux dans l’ignorance). Extrait et fin de l’ouvrage : « malheureusement, il n’existe pas de pilule rouge que tu puisses avaler avec un verre d’eau comme Néo. Ce qui existe, c’est l’esprit critique et la volonté de ne jamais admettre quoi que ce soit sous prétexte que c’est ce que disent ou croient les puissants, la majorité, les autres. Au fil des pages, je me suis efforcé de te montrer comment la volonté de vérité peut se conjuguer avec l’esprit critique pour cerner les grandes réalités, souvent tristes, du monde dans lequel nous vivons. Il est certain que tu regretteras souvent de ne pas avoir choisi la pilule bleue. Mais il y aura des moments, si tu choisis la rouge, celle de l’amère vérité, où tu mettras à nu les mensonges des puissants, révélant alors leur laideur et leur bêtise, ce sera ta récompense (page 212). »
IV. Pour aller plus loin
« Thought for the post-2008 world », Yanis Varoufakis : available at : <https://www.yanisvaroufakis.eu/>
