Entretien avec Nicolas Dufourcq : « C’est un contrat social global qui a contribué à la désindustrialisation de la France »

Diplômé d’HEC et de l’ENA, Nicolas Dufourcq est un ancien inspecteur général des finances, dirigeant d’entreprises et directeur général de la Banque Publique d’Investment (BPI) depuis sa création en 2013. Déjà auteur de plusieurs ouvrages, il publie en 2022 « La désindustrialisation de la France », livre où il interroge près de 47 chefs d’entreprise, syndicalistes, acteurs publics pour comprendre les raisons de ce bouleversement économique français. Nous revenons avec lui sur les causes de la désindustrialisation, son ouvrage et les actions de BPI notamment en matière de souveraineté.

L’ensemble des photos réalisées dans le cadre de cet entretien sont créditées à M. Hugo Hamon, photographe.

En quoi la France se distingue-t-elle des autres pays européens en matière de désindustrialisation ?

En Europe, il y a eu deux grandes phases de désindustrialisation. Il y a eu la première à la fin des années 1970, que tout le monde a vécu avec l’acier et la fin du charbon. La plupart des grands pays développés se sont arrêtés là.

La France a connu une deuxième vague de désindustrialisation qui a commencé aux alentours de 1995 et s’est arrêtée, selon moi, en 2015. Pourquoi ? En l’an 2000, nous avons eu à la fois l‘entrée dans l’euro et l’entrée de la Chine dans l’OMC, les premières conséquences significatives de l’ouverture des frontières intra-européennes avec le marché unique européen en 1992, mais aussi les 35h.

Tout ceci a créé un cocktail terrible pour l’industrie. Lorsque l’on bascule dans la mondialisation, qui est une guerre économique radicale – dont on n’avait d’ailleurs pas anticipé la cruauté – et que l’on s’interdit la possibilité de dévaluer, puisque nous étions passés dans l’euro ; la seule solution pour l’industrie française afin de tenir dans la compétition internationale était une politique de l’offre.

Or, on a fait exactement l’inverse. On a fait une politique keynésienne de la demande, de la consommation, du temps de travail. Par ailleurs, on n’a pas fait les réformes fondamentales et nécessaires pour faciliter la vie des entrepreneurs de l’industrie française – en particulier concernant le droit du travail, la réforme de la relation sociale, la réforme de l’éducation professionnelle. De mon point de vue, la seule bonne réforme qui a été faite est la loi Dutreil de 2003, qui a désangoissé les entrepreneurs de l’industrie française sur la question des successions.

En ce sens, peut-on véritablement parler d’erreurs politiques lors de cette période ? Selon vous, la seconde désindustrialisation débute en 1995, pourquoi prendre cette limite temporelle ?

Naturellement il y a toujours un continuum complet et c’est plus dilué dans le temps. Néanmoins lorsque l’on fait l’historiographie d’un phénomène, il est nécessaire de prendre une décision et définir des bornes chronologiques. Pourquoi donc 1995 ? C’est la fin de la désinflation compétitive, le moment où l’Allemagne ne va pas bien et commence sa désinflation compétitive, c’est-à-dire sa modération salariale massive. C’est aussi le moment du soulagement français face à la mauvaise situation allemande. L’industrie française se porte plutôt bien à l’époque, les équilibres commerciaux sont bons.

Il y a en effet des raisons de se rassurer, mais c’est aussi le moment où l’on aurait dû anticiper l’arrivée de la Chine dans l’OMC. On voit aussi que les pays de l’Est vont rentrer dans la communauté européenne, ce qui se produira en 1997. En 1995, les délocalisations massives vers les pays de l’Est commencent, avec une vague incroyable mais l’on ferme les yeux. Toujours en 1995, la thématique de la réduction du temps de travail commence à monter comme seule solution au chômage de masse. Tout allait bien en France, sauf le chômage. On ne se posait pas la question de l’origine de ce chômage de masse exceptionnel en France et que l’on ne retrouvait pas ailleurs. On pensait que la solution serait le partage du temps de travail, d’où la Loi Aubry I, puis les 35h.

Selon moi, c’était en fait une contre-interprétation totale, une erreur de jugement complète. La réalité de ce chômage, c’est qu’il y avait des rigidités sur le marché du travail – par exemple, la France ne travaillait pas assez, donc il n’y avait pas assez de richesses. Ces constats ont été faits beaucoup plus tard, mais ils avaient déjà été faits en Allemagne, en Suisse, en Hollande, au Danemark… Des pays qui se sont correctement réformés sur la période et qui n’ont pas désindustrialisé.

Comment peut-on expliquer cette désaffection globale de la société française pour l’industrie ? Comment cela se fait-il qu’il n’y ait pas eu des lanceurs d’alerte ?

C’est évidemment multifactoriel. Cela fait 10 ans que la BPI existe, j’ai attendu 10 ans pour me mettre à travailler sur ce sujet ; vous remarquerez donc que je suis arrivé sans préjugés. Quand j’ai commencé à faire mes interviews d’entrepreneurs, je ne savais même pas que je finirai par un livre comme celui-ci. J’avais besoin d’écouter des gens qui me racontent, ceux qui ont vécu cette période tout à fait dramatique, ce qu’il s’est vraiment passé dans leur vie quotidienne d’entrepreneur de la plasturgie, du textile… J’ai fait 47 entretiens comme ça. Lorsque vous faites ça, vous avez tout d’un coup tableau global de la déformation de la société française de l’époque. En effet, il apparait que c’est un contrat social global qui a contribué à la désindustrialisation de la France, dans le sens où tout le monde s’y est mis. Tout le monde l’a souhaité, en considérant que c’était en quelque sorte fatal. Tout le monde a trouvé que le fabless, un pays sans usine, c’était très bien. Pourquoi ? Les forces sociales qui poussaient et favorisaient l’industrie se sont progressivement rétractées.

On avait une gauche productiviste pendant toutes les années 1960. Progressivement, dans les années 1970, sous Giscard et après mai 68, est devenue une gauche de service : une gauche convaincue que l’avenir de la France et la résolution du problème du chômage de masse passerait par les services. C’est une gauche qui lisait beaucoup Fourastié, qui avait publié un livre prémonitoire décrivant un pays sans industrie. Le Parti communiste, qui était un parti fondamentalement pro-industrie, a connu son déclin à cette époque là. Dans les confédérations syndicales, les fédérations industrielles ont perdu le pouvoir. Ce sont les fédérations syndicales qui ont pris le pouvoir dans les confédérations : les syndicats des services publics à la CGT, les syndicats des services privés à la CGT. Par ailleurs, les médias ont largement contribué à la dévalorisation de l’industrie – on ne voyait que des pneus en flammes, des usines qui fermaient, etc.

Le dernier point tient en ce que tout l’écosystème dirigeant parisien était sous influence idéologique anglo-saxonne, dans une France plus centralisée qu’aujourd’hui. Or, le monde anglo-saxon, le monde Atlantique avec la Grande Bretagne et les Etats-Unis, a basculé totalement dans l’idéologie du fabless. Les décideurs, que ce soient les hommes politiques, les chefs d’entreprise, les syndicalistes, les médias… Tout le monde était dans un aquarium avec une unique pensée. Or, c’était une chimère. On peut donc dire que c’est toute la société française qui s’est fourvoyée.

Pensez-vous que les traités européens des années 1980-90 aient une part de responsabilité dans la désindustrialisation, avec notamment la mise en place de la monnaie unique ?

J’ai voulu me poser cette question, effectivement : est-ce-que l’euro ne serait pas responsable de la désindustrialisation française ? Auparavant, j’avais en effet écrit un autre livre sur la réunification allemande, sur la même méthode d’interview pour faire l’histoire du temps présent. Certains allemands m’avaient dit que la réunification avait engendré l’euro, et que l’euro avait engendré pour la France la fin des dévaluations. Or, les français avaient dévalué 16 fois ; notre méthode fondamentale était la dévaluation : nous n’allions plus pouvoir le faire, il fallait changer, ce que nous n’avons pas fait. Partant de cette réflexion, j’ai voulu poursuivre l’investigation.

Quand on interroge les entrepreneurs, aucun ne dit que l’euro n’a été un problème. Tous disent qu’au contraire, l’euro a été formidable. Il y avait des dévaluations imprévisibles et sans arrêt, c’était la guerre des monnaies. Avec l’euro, tout ça était terminé et par ailleurs, la gestion des catalogue de prix était devenue plus simple. Les entrepreneurs n’accusent pas l’euro. C’est important de l’avoir en tête. D’ailleurs, je pense que le problème n’est pas l’euro et qu’il a été un progrès considérable pour l’Union européenne. Le problème, c’est que le mix politico-économique, qui aurait dû être la conséquence du passage à la monnaie unique, n’a pas été appliqué. La bataille de l’euro n’a pas été lue. Les fondateurs de l’euro pensaient que l’euro forcerait les politiques à prendre des décisions difficiles. C’est l’inverse qui s’est produit. Les politiques ont capturé l’euro – les fameuses déclarations Chirac-Schröder – pour continuer en France une politique de la demande, alors qu’il fallait une politique de l’offre.

Pour poursuivre cette comparaison entre France et Allemagne, quels sont les leviers pour faire monter en gamme l’industrie Française et qu’elle puisse s’aligner notamment sur celle de l’Allemagne ?

Pour monter en gamme, il faut de l’innovation et des machines. Il faut des ingénieurs, des brevets. Cela s’appelle du capital humain et du capital financier. Lorsque l’on a une industrie Allemande qui est beaucoup moins taxée, elle accumule plus de capital.

Pour que les forces intellectuelles aillent vers l’industrie, il faut donner envie. En Allemagne, l’industrie est au cœur du contrat social – les enfants défilent dans les usines, ils vont dans les salons professionnels. La base du contrat social allemand, c’est l’admiration qu’on peut avoir pour l’industrie, la machine. L’intelligence française, la jeunesse française, n’y est plus allée. A la rigueur, elle a continué d’y aller sur les grands projets, mais il n’y en a plus à partir de 1995. La culture des grands projets et la politique industrielle Giscardo-Pompidolienne s’arrête à ce moment-là ; notamment sous l’influence de Bruxelles puisque cette dernière est allemande. Les autres pays européens détestent les grands projets français. Ils sont sur une politique industrielle bottom-up : ce sont les entrepreneurs qui doivent la faire (Mittelstand). Or, les PME et ETI françaises industrielles de l’époque ne peuvent pas recruter de centraliens, de polytechniciens, de supaéro… Personne n’a envie d’aller travailler dans une PME industrielle – et ce n’est pas encore gagné aujourd’hui. Comment voulez-vous monter en gamme si vous n’avez pas les hommes et si vous êtes surtaxés par rapport aux voisins outre-Rhin ?

A partir de là, on ouvre le marché à la Chine. Nos produits ne sont pas compétitifs, nous sommes démunis.

Vous parlez de la Chine, un pays qui comme le Japon est bien plus interventionniste que nous ne le sommes.

Ils ont une politique Giscardo-Pompidolienne complète, qui continue et qui n’a jamais cessé. Cette politique reprend en Europe depuis la crise du Covid-19. Le monde découvre la politique industrielle à la Française – c’est ce qu’on appelle les grands programmes européens, les IPCEI sur la batterie, l’hydrogène, le semi-conducteur… C’est parce qu’en sortie du Covid on s’est découverts… A poil. En France, France 2030 introduit une nouveauté par rapport aux programmes des années 1970 (le TGV, le nucléaire, l’espace, Airbus …) : 50% des fonds qui doivent aller à de petits acteurs, pas seulement les grands groupes. C’est tout à fait nouveau.

Quelle serait donc la politique industrielle du XXIème siècle ? Est-ce que cela peut passer par un retour du protectionnisme, de nouvelles règles sur la commande publique ?

Il y aura une question autour du Buy European Act. Nous allons devoir constater que les chinois achètent chinois, que les américains achètent américain, à l’image du l’Buy American Act renforcé par Biden. On ne pourra pas rester naïf très longtemps, notamment dans le tech. Si l’on veut avoir de grandes entreprises de tech, il va falloir que l’on achète de la tech européenne sans systématiquement se jeter dans les bras des américains.

Qu’est ce qu’une politique industrielle moderne aujourd’hui ? Evidemment on peut pas tout se payer, mais il ne faut jamais oublier que l’Europe est le continent le plus riche du monde et c’est la grande plateforme industrielle mondiale, tout à fait à parité avec la Chine. Il faut penser Europe : il faut penser 450 millions d’habitants, pas aux 70 millions d’habitants en France. France 2030, c’est 54 milliards € qui s’ajoutent aux German 2030, Swedish 2030, Finnish 2030 … Chacun fait son job. Quelque chose d’important est en train de se passer en Europe, tout le monde a le couteau entre les dents. Il y a des batailles que l’on ne peut pas perdre : il faut absolument que l’on ait une filiale du photovoltaïque, notre propre filiale d’hydrogène, que l’on défende la souveraineté de notre industrie automobile électrique face à la Chine, au Vietnam, à la Corée – et de Tesla bien sûr. Il faut que l’on maintienne notre industrie spatiale et il faut impérativement (et on est bien partis d’ailleurs) une industrie du semi-conducteur européenne puissante.

L’économiste Patrick Artus parle de la France comme d’un pays « capitaliste sans capitalistes ». Quels pourraient être les leviers pour y remédier ? Que pensez-vous par exemple de la retraite par capitalisation ?

L’écosystème que l’on a construit dans la French Tech se porte bien. On appelle ça de la poudre sèche : la quantité de capital disponible aujourd’hui prête à être investie est à peu près à 12 milliards d’euros, ce qui est considérable. Je n’ai pas d’inquiétude là-dessus.

En revanche, dans la durée, tout ça va continuer de croître et c’est par comparaison aux autres pays qu’il faut se projeter. Tous les pays qui ont des fonds de pension (donc de la retraite par capitalisation) ont des masses de capitaux qui sont en croissance constante, qu’ils peuvent investir ensuite. La France a méthodiquement refusé la retraite par capitalisation, donc elle n’a pas cet outil de puissance. Je considère que c’est un problème. Donc on dira qu’il y a l’épargne, l’assurance vie. Mais l’assurance vie ne peut pas investir autant dans les verticales du capital-risque que les fonds de pension américains, hollandais ou allemands.

Il faut donc aller chercher le capital à l’étranger. C’est toute la question de notre activité. Autrement dit, il faut que les fonds de pension étrangers et les fonds souverains étrangers investissent en France, sur des thèses françaises, avec le contrôle français. C’est ce que la BPI fait. La BPI va chercher des fonds à l’autre bout du monde, que nous investissons sur nos thèses, dans les entreprises françaises.

Ces dernières années, la France a fait de nombreuses réformes, notamment sur la fiscalité du capital. Selon vous, vont-elles dans le bon sens et que nous manquerait-il encore ?

La loi de simplification qui va être présentée au Parlement est fondamentale. Il faut que l’on arrive à réduire les délais d’ouverture de nouvelles usines aux 8 mois, qui sont les délais moyens en Allemagne – et que les allemands trouvent d’ailleurs déjà trop longs. Le sujet maintenant est un sujet de raccourcissement des délais bureaucratiques sur l’ensemble de la politique de réindustrialisation Française. Pour le reste, la réforme de la taxe sur le capital est bonne, la flat tax, c’est parfait, la réforme du droit du travail est bonne, la réforme de l’apprentissage aussi, la baisse du coût du travail avec le CICE est fondamentale, la réforme des relations sociales va bien… Le point d’amélioration, encore une fois, c’est les délais d’autorisation et la relation entre les administrations locales et les PME.

Il est certain que la réindustrialisation va être en grande partie régionale. Quel est le rôle de la BPI à ce niveau-là ?

La BPI est une banque régionale avec 55 agences et c’est là que tout se passe. 90% de nos décisions y sont prises. Ces agences sont plus ou moins grossesse pendant du potentiel de l’entrepreneuriat. Je suis tout à fait d’accord : c’est dans les territoires que cela va se passer et que ça se passe d’ailleurs, sous nos yeux. Les patrons de PME dans les territoires en France savent bien que s’il y a une banque qui les connait, c’est nous. Nous travaillons beaucoup avec les conseillers régionaux, qui nous font confiance, qui nous financent, qui nous donnent les moyens de faire des prêts et des investissements en capital. Par rapport à ce que l’on a connu des les années 1990 et au début des années 2000, c’est à dire une France très centralisée, le monde a changé.

La French Fab est-elle précisément un moyen de faire revenir des talents vers le secteur industriel ?

C’est comme ce que l’on a fait avec la French Tech en 2013. Pour motiver, donner envie, il faut raconter une histoire complète. L’industrie française est encore forte, on a une tradition pluriséculaire, il y a quantités d’inventions mondiales qui ont été créées par des français (et qui n’était d’ailleurs pas parisiens). Nous allons donc réindustrialiser. Pour ça, on a besoin d’ingénieurs. On a vraiment besoin que les français comprennent que demain, les plus belles carrières seront dans l’industrie. Ce qui incarne ce mouvement, ce sursaut fécond et créatif, c’est le Coq Bleu de la French Fab. Alors effectivement ce terme est anglais car l’industrie s’exporte à 80%. C’est la marque de l’industrie française dans tous les salons à l’étranger. Le Coq Bleu de la French Fab est donc un mouvement. Un mouvement de confiance en soi, de fierté désinhibée des entrepreneurs de l’industrie française PME et ETI, essentiellement familiaux d’ailleurs, dans les territoires. Il a sa propre musique, tout son environnement graphique, ses évènements…

Que manque-t-il au secteur de l’éducation pour participer à cet effort de réindustrialisation ? Quelles erreurs ont été faites ?

La réforme de l’enseignement professionnel a été dévoyée. Les conséquences de cette réforme ont été catastrophiques pour l’industrie. La quantité de sections dans les lycées professionnels qui étaient consacrées à l’industrie et qui ont fermé pour être remplacées par des sections consacrées aux services ; la quantité de professeurs – les anciens qui avaient la culture de la machine la fibre du compagnonnage et de l’artisanat- qui sont partis à la retraite sans être remplacés par des gens aux mêmes compétences qu’eux… Progressivement, l’enseignement professionnel est devenu le refouloir de l’ensemble du système éducatif où l’on a envoyé ceux qui avaient les moins bons résultats dans le système éducatif, sans que l’on puisse leur construire des parcours, des destins acceptables. Il y a un pourcentage de nos concitoyens dans les lycées professionnels qui sont de la première ou de la deuxième génération de l’immigration qui est absolument gigantesque. Cette affaire n’a pas été traitée. Il faut donc réouvrir les sections consacrées à l’industrie. Parce que l’industrie, c’est bien.

La réforme de l’apprentissage est extrêmement bonne. Il faut simplement que la proportion des apprentis qui vont dans l’industrie soit plus importante.

A la fin, tout ça revient à « donner envie ». Vous avez aimé Top Chef ? On va faire Top Fab. Vous voulez tous être cuistot puisqu’une émission vous montre à quel point c’est formidable d’être à la fois la tête, les mains, les jambes, dans l’urgence du coup de feu, de la brigade … Vous avez tous envie d’être pâtissier, mais l’industrie c’est la même chose. L’industrie c’est une cuisine. Il y a des machines, un piano, un chef avec une dimension d’autorité (la brigade dans la gastronomie)… Allez-y.

La BPI doit-elle davantage s’impliquer dans la protection des industries d’actifs stratégiques ?

On le fait déjà beaucoup, puisque l’on fait un investissement en fonds propres par jour. On investit 5 milliards d’euros par an. L’ancrage Français est au cœur des missions de la BPI. On a tellement fait pour les startups en communication médiatique que les gens pensaient qu’on n’était que la banque des startups, mais on ne l’a jamais été. Le startups n’ont jamais représenté que 15% du job de la BPI. La BPI fait 25% de ses crédits à l’industrie, alors l’industrie représente 10% du PIB. 65% de ses fonds propres sont investis dans l’industrie et depuis longtemps.

Ce que ce livre me permet de révéler aux français, c’est que la BPI est une très grande banque de l’industrie, si ce n’est la grande banque de l’industrie. Ce qui est vrai, c’est que les moyens nous sont donnés depuis 3 ans de réindustrialiser. Cela a commencé avec le plan Deep Tech en janvier 2019 et ça a continué avec le plan Startups industrielles en janvier 2022. Entre temps, on a eu le plan de relance et on a maintenant France 2030. Comme la BPI est l’opérateur de ces grands plans, on a effectivement beaucoup plus de moyens depuis 3 ans pour produire le sursaut que j’appelle de mes vœux.

Quelle est votre vision du sujet des industries vertes ?

A mon sens, l’industrie verte est digitale et électrique. La réindustrialisation sera donc digitale, électrique, nativement décarbonée. C’est totalement compatible avec la trajectoire de décarbonation du pays. C’est même une nécessité que d’ouvrir ces usines décarbonées puisqu’il y a des usines hyper-carbonées que l’on ne réussira peut-être pas à décarboner et qui finiront par fermer. Si l’on veut garder le tissu industriel, il faut le renouveler. L’industrie est en fait plastique. Ce qui est sûr, c’est que les usines que l’on ouvre sont nativement écolos. Le produits sont éco-conçus, l’énergie est électrique, les usines sont ultra-digitalisées, construites pour être sobres dans la consommation des intrants. Il n’y a donc pas de contradiction entre réindustrialisation et la décarbonation.

La France et à défaut l’Europe n’ont-elles pas précisément vocations à devenir des leaders en matière d’industries vertes ?

Oui cela peut, mais j’ai toujours pour réflexe de considérer que les autres pensent exactement la même chose que nous et au même moment. Parfois, on a une avance d’un an, mais jamais tellement plus. Tout le monde s’y met. Toute l’Europe est en train de faire pivoter complètement son appareil productif. Ce que je souhaiterais, c’est que l’on ne puisse pas dire un jour qu’à l’époque, en 2022, nous n’avons pas lu la bataille, que nous nous sommes fourvoyés. Je veux que l’on puisse dire que nous avons fait le maximum.

Pour conclure notre entretien, auriez-vous une phrase pour inciter justement les jeunes à aller travailler dans l’industrie ?

J’ai lancé un appel chez l’un de vos confrères qui s’appelle Maddyness, dans lequel je dis qu’il va y avoir des vies professionnelles pleines d’aventures, de contenus ; de très belles carrières dans l’industrie. C’est le moment d’y aller. Je dis aux jeunes en particulier d’éviter de passer par la case « conseil » et de commencer à être actif. Si vous voulez être ingénieur dans le monde de la transition et bien soyez-le. Un ingénieur dans le monde de la transition n’est pas un ingénieur généraliste. Pour monter une éolienne, il faut des mécaniciens, des métallurgistes, des physiciens … Soyez ces gens-là, on a besoin de vous.

Nathan Granier

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