Le Qatar : la nouvelle plaque tournante du sport mondial ?

Le 27 juillet dernier, le Qatar a officialisé sa candidature à l’organisation des Jeux Olympiques 2032. Moins d’un mois plus tard, le Paris-Saint-Germain « version qatari » a disputé sa première finale de Ligue des Champions. Et, Dans un peu plus de deux ans, de novembre à décembre 2022, ce petit émirat du Moyen-Orient accueillera la Coupe du Monde de football. Dotée d’une superficie à peine plus importante que la Gironde, la péninsule du golfe persique a massivement investi dans le sport pour en devenir, aujourd’hui, un acteur incontournable. D’une part, ce choix résulte d’une stratégie de diversification de l’économie qatari, pour préparer l’après-pétrole. Elle est l’un des axes du  plan de développement « Qatar National Vision 2030 ». Pour rappel, les exportations d’hydrocarbures représentent encore près de 50% de la production de richesses du pays. D’autre part, ces investissements sont surtout l’occasion pour le Qatar de développer sur le plan géopolitique un « soft power » grâce à l’influence mondiale du sport. Entre choix économique et politique, comment le Qatar est-il devenu une plaque tournante du sport actuel ?

L’accueil de compétitions internationales comme fer de lance

La politique sportive qatari est née entre la fin des années 1980 et le début des années 1990. Au pouvoir, le cheikh Khalifa bin Hamad Al Thani mise sur l’accueil d’événements internationaux pour faire connaître le Qatar aux yeux du monde, autrement que par sa production de gaz naturel. En 1988, le Qatar organise la 9ème édition de la Coupe d’Asie des nations à Doha grâce à la construction de deux stades de 20 000 places. En 1993, le tournoi ATP 250 de Doha a lieu pour la première fois. Placée début janvier, la compétition lance la saison tennistique et sert de préparation avant l’Open d’Australie. Dès le début des années 2000, la stratégie qatarie s’accélère avec à sa tête le cheikh Hamad bin Khalifa Al-Thani qui vient de destituer son père en 1995. Le tour cycliste du Qatar est créé en 2002, tout comme le grand prix de moto en 2004. Avec en vue l’organisation des Jeux Asiatiques de 2006, le Qatar montre toute sa puissance financière en construisant l’Aspire Zone. Cet immense complexe sportif est doté d’un stade de football de 50 000 places, d’une piscine olympique, et de l’Aspire Dome, un stade multisport capable d’accueillir 13 terrains de sport différents. Lors de ces mini-jeux, l’émirat accueille près de 9000 athlètes sans le moindre problème.

Le pays peut désormais viser plus grand avec les championnats du monde d’athlétisme 2019. Marquée par l’extrême chaleur et des tribunes quasi-vides, l’organisation est critiquée mais l’essentiel est ailleurs. Le Qatar vient d’organiser une compétition de renommée internationale sur ses terres, 3 ans avant d’accueillir l’évènement sportif le plus suivi au monde, la Coupe du Monde de football. La candidature aux Jeux Olympiques 2032 s’inscrit donc dans la continuité de cette politique d’accueil de compétitions sportives. Après n’avoir pas mené à bout leur candidature pour les JO 2016 et même 2020, le Qatar semble désormais armé pour conclure en beauté 30 ans d’investissements massifs dans cette politique sportive.

Actionnariat, sponsoring et médiatisation… L’omniprésence qatarie

Plus que l’organisation de compétitions internationales, les investissements de l’émirat du Golfe persique visent à mettre la main sur toutes les activités qui entourent la pratique du sport de haut niveau. Du financement des clubs jusqu’à la diffusion des compétitions, le Qatar est partout. Un des premiers axes est d’abord de devenir l’actionnaire majoritaire d’un club pour pouvoir y investir massivement. L’exemple du Paris-Saint-Germain est le plus connu. En 2011, la société de droit privé, Qatar Sport Investments (QSI), rachète 70% des parts du club parisien. Cette société est la filiale directe du fonds d’investissement souverain de l’émirat du Qatar, le Qatar Investment Authority (QIA). Ainsi, cet investissement privé prend tout de suite une dimension publique et politique. D’autant plus que l’actuel cheikh Tamim bin Hamad Al Thani n’est autre que l’ancien président de QIA au moment du rachat du club parisien. Le club de la capitale n’a évidemment pas été choisi au hasard tant l’image de marque de la ville lumière fonctionne encore à l’étranger. De plus, les fonds qataris ont permis le développement de la section féminine de football, d’une section handball mais aussi judo et même eSports. Un véritable ancrage omnisport pour le Qatar au cœur de l’Europe. La petite péninsule du Moyen-Orient ne semble pas décider à s’arrêter là. Les rumeurs évoquent un possible rachat, toujours par QSI, de Leeds United, club historique remonté en Premier League pour la saison à venir.

Si diriger plusieurs grands clubs européens, en football ou dans d’autres sports, est difficile voire impossible, le Qatar mise sur ses activités de sponsoring pour être présent sur tous les terrains. La compagnie aérienne Qatar Airways est même devenue la spécialiste qatarie dans ce domaine. FC Barcelone, FC Bayern Munich, PSG, AS Roma…De nombreux grands clubs arborent, ou ont arboré, la marque qatari sur leur tenue pour des montants oscillant entre 5 et 10 millions d’euros par an. Cette entreprise publique est même devenu le partenaire officiel de la FIFA et sponsorise toutes les grandes compétitions internationales de football depuis 2018 (Coupe du Monde, Coupe du Monde des clubs, FIFA eWorld Cup). Qatar Airways mise également sur l’équitation, le tennis ou encore le squash pour promouvoir la marque, mais surtout le pays tout entier.

Enfin, le Qatar est également présent là où se joue une grande partie des enjeux financiers du sport : les droits télévisés. Depuis sa séparation avec le géant médiatique qatari Al Jazeera en 2014, BeIn Media Group s’est imposé comme l’un des leaders internationaux dans la diffusion des évènements sportifs grâce à son réseau de chaînes BeIn Sports. Le groupe est présent dans 43 pays sur les cinq continents et couvre plus d’une vingtaine de sports différents. En France, BeIn Sports a acquis les droits d’un nombre affolant de compétitions sportives tel que le duo Ligue 1/Ligue 2, la Serie A, la Bundesliga, la NBA, Wimbledon, le championnat de France de handball, la NFL, la MLB… Souhaitant à tout prix contrôler le marché des droits télévisés, les investissements de BeIn Media Group sont directement contrôlés et scrutés par Doha. Le gouvernement qatari a réinjecté, pour la 3ème fois depuis 2013, 600 millions pour soulager les dettes des chaînes sportives et leur permettre de continuer leur progression sur un marché à enjeux.

Entre l’actionnariat, le sponsoring et la diffusion médiatique, le Qatar ne perd pas une miette pour s’installer comme la nouvelle force économique du sport mondial. Aujourd’hui, il semble tout à fait possible d’envisager un match amical organisé à Doha entre le PSG, possédé par QSI, et l’AS Roma, sponsorisé par Qatar Airways, le tout diffusé sur BeIn Sports.

Et les sportifs qataris dans tout ça ?

Il y a un seul hic dans cette stratégie d’investissement qatarie. L’argent ne peut pas acheter les performances sportives. Pourtant, le Qatar a bien essayé. Alors que le petit émirat accueillait le championnat du monde de handball en 2015, le pays s’est mis en tête de bâtir, à partir de presque rien, une équipe compétitive. Grâce aux largesses des règles de la fédération internationale de handball (IHF), le Qatar a pu pratiquer une politique de naturalisation en sélectionnant 11 joueurs non-qataris sur 16. Les rumeurs évoquaient une prime de près de 100 000 euros par match jusqu’à 1,2 millions d’euros en fonction des résultats pour le tournoi. Résultat : une défaite très honorable face à la France en finale. Aujourd’hui, cette stratégie n’est plus stable sur le long terme. Le sélectionneur qatari décide désormais de se passer de la plupart des joueurs non-qataris depuis leur défaite en quarts de finale des Jeux Olympiques 2016.

Si le Qatar est incontestablement une des nouvelles puissances économiques du sport, le pays semble encore loin de ses concurrents sur le plan sportif. Le palmarès qatari aux Jeux Olympiques est même dérisoire avec seulement trois médailles de bronze et deux médailles d’argent depuis 1984, date de leur 1ère participation. L’espoir de devenir une grande nation du sport n’est, en revanche, pas vain. Le Qatar reste un pays jeune dans le sport. La péninsule doit s’appuyer sur ses figures sportives internationales et ses lourds investissements pour progresser. Mutaz Essa Barshim ou Nasser Al-Attiyah en sont les parfait exemples. Spécialiste du saut en hauteur, le premier est double champion du monde en titre et deuxième meilleur performeur de tous les temps avec un saut à 2,43m. En rallye, le second a remporté à trois reprises le Dakar.

Après avoir mis sur pause leur politique de naturalisation dans de nombreux sports, le Qatar semble s’être tourné vers une politique de formation des talents locaux. L’accueil des compétitions internationales revêt désormais un autre rôle en promouvant la pratique du sport auprès de  la jeunesse qatarie. Pour la Coupe du Monde 2022, le pays a tout intérêt à faire bonne figure. Étant qualifié d’office grâce à son statut d’hôte, le petit émirat du Golfe doit à tout prix paraître compétitif sur le plan sportif pour assurer sa légitimité vis-à-vis des autres nations. Avec en ligne de mire les Jeux Olympiques 2032, le pays a désormais une dizaine d’années devant lui pour obtenir l’organisation de l’évènement et préparer sa jeunesse à performer sportivement. Le sport qatari a rendez-vous avec l’avenir. 


Victor Cousin

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