
Créé en 1968, le Prix de la Banque de Suède en hommage d’Alfred Nobel récompense les travaux de grands économistes. Après de longs mois de suspens, le nom des lauréats 2020 est connu :
Paul Milgrom et Robert Wilson
Ce prix récompense leurs travaux sur les enchères et leur rôle dans la fixation des prix. Cette théorie des enchères fait partie de la théorie des jeux. Elle examine les stratégies en oeuvre dans les systèmes d’enchères, et les effets d’allocations de ces dernières.
Né en 1937 dans une petite ville du Nebraska, Robert Wilson est formé à Harvard. Après un MBA, il entreprend un doctorat en administration des affaires. Son directeur de thèse, Howard Raiffa, est professeur d’économie et spécialiste en analyse décisionnelle et théorie de jeux. Son doctorat en poche, Robert Wilson rejoint l’Université de Stanford. Il s’intéresse aux enchères sur le marché d’énergie, des communications et du pétrole. Wilson fut directeur de thèse de trois lauréats de Prix Nobel : Alvin E. Roth (2012), Bengt Holmström (2016), et désormais Paul Milgrom (2020).
Né en 1948 à Detroit, Paul Milgrom grandit dans l’Etat du Michigan, où il étudie les mathématiques. Après avoir dans le domaine des assurances à San Francisco, reconnu pour ses qualités analytiques, il entreprend un master en statistiques puis une thèse à l’Université de Stanford, sous la direction de Robert Wilson. Il reviendra à Stanford en tant que professeur d’économie. Ses travaux de recherche portent sur les enchères, le design de marché et les incitations. Si Paul Milgrom est mathématicien, il insiste sur la nécessité de comprendre les phénomènes économiques avant de les formaliser.
Leurs travaux ont depuis 1994 influencé le marché des télécommunication au travers de la vente de fréquences radio.
Ces questions sont remises sur le devant de la scène, notamment avec l’attribution en France des fréquences 5G.
Regardez la cérémonie de remise du Prix Nobel d’économie :
Les enchères dans le domaine des télécommunications
Un domaine soumis aux enchères est celui des télécommunications. Prenons un client d’un opérateur de télécommunications sans fil. Ce client souhaite envoyer et recevoir des informations : voix, photographie, page web… L’information est codée sous forme de 0 et de 1 dans le téléphone. Afin que l’information quitte le téléphone pour aller vers un autre terminal mobile, elle est transformée en ondes électromagnétiques. Les 0 sont transformés en ondes électromagnétiques de basse fréquence ; les 1 sont transformés en ondes électromagnétiques de haute fréquence. Pour éviter que les fréquences des différents clients ne se mélangent (on parle d’interférences), chaque client se voit attribuer sa propre plage de fréquences pendant l’envoi ou la réception d’informations.
La bande de fréquence d’un opérateur est partagée en autant de plages de fréquences qu’il y a de clients sollicitant le réseau de l’opérateur. Plus il y a de clients chez un opérateur donné, plus la proportion de bande attribuée à chaque client est faible.
Le client attend de l’opérateur qu’il lui transmette l’information sans erreur et rapidement. Ainsi, les briques qui constituent l’information doivent arriver intactes sur le terminal mobile du client, et le débit d’arrivée doit être suffisamment élevé. Or, le débit maximal augmente avec la bande téléphonique utilisée. Donc pour qu’un client bénéficie d’un bon débit, il faut que la plage qui lui est attribuée soit suffisamment large. Un opérateur téléphonique cherchera donc à acheter la plus large bande possible, de manière à ce qu’elle ne soit pas saturée et que le débit y soit important.
A une époque où les consommateurs sollicitent énormément les réseaux de télécommunications, chaque opérateur cherche à obtenir suffisamment de bandes. Or, les bandes attribuées aux deuxième, troisième et quatrième générations (2G, 3G et 4G), très sollicitées, ne peuvent pas être élargies. En effet, d’autres usages utilisent les bandes de fréquences voisines. Pour pouvoir solliciter le réseau cellulaire de manière croissante, il a donc été décidé d’attribuer de nouvelles plages de fréquence, lointaines dans le spectre de fréquences. C’est la cinquième génération (5G).
Au voisinage d’autres bandes de fréquences, il existe d’ailleurs des risques d’interférences avec d’autres usages électromagnétiques comme la radio FM. Les opérateurs cherchent donc à ce que les bandes qu’ils acquièrent ne soient pas trop soumises à des interférences.
Pour constituer sa bande de fréquence, un opérateur doit acheter plusieurs petites bandes de fréquences, que nous appellerons blocs. Dans un premier temps, les enchères concernent le nombre de blocs de fréquence. Dans un deuxième temps, les enchères concernent le positionnement des blocs de fréquences sur le spectre. Les enchères sont très encadrées afin d’assurer la concurrence entre les différents opérateurs téléphoniques. Le marché des télécommunications étant stratégique, il est nécessaire que tous les agents possèdent le même niveau de connaissance par rapport à l’enchère.
La théorie des enchères
Les travaux de Paul Milgrom s’inscrivent dans la théorie des enchères. Cette analyse des mécanismes des enchères s’appuie sur la théorie des jeux. Elle s’intéresse par exemples aux stratégies des participants à une enchère. Dans sa théorie, Paul Milgrom note que si les participants à une enchère connaissent les offres que leurs concurrents ont l’intention de faire, alors l’enchère est plus élevée.
Paul Milgrom s’est notamment intéressé aux enchères dans des domaines clés de l’industrie tels que l’énergie ou les télécommunications. Il a d’ailleurs fondé des sociétés pour permettre aux agents de secteurs stratégiques de mener les enchères efficacement.
L’équipe d’Easynomics
Retrouvez les travaux des lauréats précédents avec la série « Adopte un Prix Nobel » :