Jeux Olympiques : pourquoi Paris 2024 ne sera pas rentable ?

Sydney, Tokyo, Londres et dernièrement Rio de Janeiro. Toutes les récentes villes-hôtes des Jeux Olympiques se sont heurtés au mur de la rentabilité économique. Paris 2024 ne devraient pas déroger à la règle. Explications.

Avant les JO : Un budget non-maîtrisé

C’était la promesse de Paris 2024 : tenir et contrôler son budget. 3 ans avant la tenue des Jeux, le pari est déjà perdu. Le comité d’organisation des Jeux Olympiques (COJO) a déjà annoncé une hausse de 2,5% du budget prévu au moment de la candidature. Résultat : une enveloppe qui gonfle à 3,9 milliards d’euros (+96 millions) en décembre 2020. Dans le même temps, le COJO a déjà annoncé avoir réalisé 300 millions d’euros d’économies « nécessaires » pour la rénovation des infrastructures olympiques. Se serrer la ceinture à plus de 3 ans des Jeux, Paris 2024 joue à un jeu dangereux. « Cest un budget très faible par rapport aux autres éditions. Cest assez incompréhensible, surtout pour accueillir des JO verts, donc un peu plus coûteux. Le budget devrait mécaniquement augmenter », analyse Luc Arrondel, économiste du sport. Le taux de dépassement moyen du budget olympique depuis l’édition 1968 est de 167%. Même si Paris ne devrait pas faire partie des pires exemples d’explosion budgétaire, l’édition 2024 devrait générer un surcoût non-négligeable.

Plusieurs éléments appuient cette thèse, notamment les travaux du Grand Paris. D’abord prévue pour 2030, la création de quatre lignes de métro reliant plusieurs sites olympiques a été avancée pour 2024. Une multiplication de travaux qui feront augmenter le budget dans les derniers mois précédents l’Olympiade pour s’assurer de leur finalité. Un autre élément fait craindre une hausse supplémentaire du budget : la candidature unique. Le fait de voir ses concurrents se désister au fur et à mesure (Hambourg, Rome, Budapest…) a d’abord été perçu comme une bonne nouvelle. La faute à la théorie du « malheur au vainqueur » qui veut que le gagnant d’une enchère, dans le cadre d’évènements sportifs, soit finalement perdant tant ce dernier a fait gonfler son budget pour l’emporter. Ici, cette théorie ne s’applique pas mais un enjeu politique pourrait conduire au même résultat. Sans concurrent, Paris 2024 aurait, au contraire, minimisé son budget pour que les Jeux Olympiques soient mieux acceptés par le CIO mais surtout par la population française. « Il faut toujours prendre avec des pincettes les budgets annoncés par les cabinets de conseil. Leurs études prévoient systématiquement une rentabilité de l’événement pour diverses raisons et les travaux universitaires viennent contredire cela après coup » rappelle Luc Arrondel. En bref, un budget minimisé qui n’attend que d’augmenter précipitant la non-rentabilité des JO.

L’année des JO : Une croissance olympique minime

C’est le pari de n’importe quelle ville olympique. L’accueil des JO doit faire gonfler son tourisme pour permettre une rentabilité économique. C’est le cas de Barcelone, qui a profité des JO 1992 pour devenir un des lieux touristiques les plus attractifs d’Espagne. La comparaison ne peut être faite pour Paris. Selon l’économiste Pierre Rondeau dans The Conversation, « il ne faut pas mettre de côté les effets d’éviction ». Si un touriste vient uniquement pour les Jeux Olympiques, « Il y a une sorte de substitution. Les amateurs de sport remplacent les touristes qui prennent peur de l’évènement. Dans le cas de Paris, cest certain que le tourisme ne va pas exploser avec les JO », explique Luc Arrondel. En effet, l’exemple est marquant pour la capitale française et ses 50 millions de touristes par an en 2019. L’accueil de la Coupe du Monde 1998 ou de l’Euro 2016 n’avait eu que très peu d’impact sur le tourisme. Les JO 2024 ne profiteront donc pas de ce boom touristique promis aux villes-hôtes. En quelque sorte, Paris a atteint un seuil maximal de touristes difficile à dépasser. La croissance économique de l’année 2024 sera limité. « LEuro 2016, cest à peine 0,06% de la croissance sur lannée 2016. Et encore… nous ne sommes même pas sûr que cela soit entièrement permis par lEuro. Laccueil des JO 2024 auront un impact vraiment marginal sur l’économie », détaille Luc Arrondel.

Pire encore, l’économiste Wladimir Andreff évoque même une récession post-olympique. C’est l’idée, qu’après l’accueil des Jeux Olympiques, les territoires concernés connaissent une diminution de la production de richesses après le boom olympique. Une sorte de trop grand contraste d’attractivité par rapport à la période olympique. Cette récession olympique, en dépit des bénéfices sociaux des JO, s’appliquerait parfaitement à Paris 2024. La Seine-Saint-Denis pourrait notamment énormément en souffrir dans l’attente de la restructuration du village olympique.

Après les JO : des effets néfastes sur le long terme

Si les Jeux Olympiques ne se tiennent que sur une période de deux à trois semaines, les conséquences économiques que cet évènement génère peuvent s’étaler sur des dizaines d’années. Et Paris 2024 n’a pas encore retenu la leçon. Comme ses prédécesseurs Rio ou Londres, le COJO n’a pas pris en compte les dépenses de nettoyage et de réaffectation des constructions olympiques dans le budget initial. La réaffectation du village olympique ou du village des médias pourrait faire gonfler encore l’addition.

En Seine-Saint-Denis, la situation pourrait être aussi préoccupante à la sortie des Jeux Olympiques. Si le département était la place centrale d’accueil des épreuves, la natation ou encore le volley ont été décentralisé à La Défense par exemple. « La perte de ces épreuves pourrait freiner les investisseurs qui croyaient en ce projet », avait déclaré Matthieu Hanotin, maire de Saint-Denis. Dans le même temps, un autre écueil pourrait voir le jour dans le 93 : l’inflation immobilière. La preuve est sous nos yeux avec la mise en place d’un encadrement des loyers du privé sur neuf villes de la Plaine Commune. L’objectif : faire face aux tensions inflationnistes post-JO dans un territoire ordinairement peu attractif. Une dernière inquiétude pour la rentabilité des Jeux Olympiques, quel héritage sur le long terme ? Avec 95% d’infrastructures déjà construites, « Il y a un effet dhéritage très limité pour Paris 2024. Le Grand Paris aurait été construit avec ou sans les JO par exemple », précise Luc Arrondel. Avant de conclure : « Lintérêt de Paris, ce nest vraiment pas la rentabilité économique ».


Jeux Olympiques, Coupe du Monde, Championnats d’Europe : même combat

L’exemple des JO de Paris 2024 illustre une réalité pérenne dans le monde du sport : accueillir un grand évènement sportif n’est que très rarement rentable d’un point de vue économique. Pire, ces derniers peuvent amplifier la dette d’une ville ou de tout un pays. A Athènes, les JO 2004 ont plombé les finances grecques juste avant la crise des dettes souveraines tandis qu’à Montréal (édition 1976), les habitants ont continué de rembourser la dette jusqu’en 2006. Au Brésil, l’organisation de la Coupe du Monde de football 2014 n’a pas empêché le pays de connaître une diminution de 3,8% du PIB l’année suivante. Même situation pour l’Ukraine et l’Euro 2012 : l’Etat ukrainien aurait dépensé près de 10 milliards d’euros pour organiser la compétition, contre un petit milliard de recette. Des coûts représentant un gros frein dans la relance économique du pays après la crise de 2008.

Alors, pourquoi organiser un grand évènement sportif ? Pas besoin de s’épancher sur la question. Accueillir une compétition sportive est d’abord une formidable vitrine pour le pays sur la scène internationale. Un élément de soft-power incomparable lorsque deux milliards de personnes ont les yeux rivés sur une finale de Coupe de Monde qui se joue dans votre pays. Organiser les JO ou une Coupe du Monde, c’est également faire renaître un sentiment de fierté nationale ou d’élan patriotique pour les habitants du pays-hôte. En bref, message aux futurs pays-hôtes : vous rendrez vos habitants heureux, pas vos finances. Mais c’est déjà pas mal.

Victor Cousin

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