
Les cryptomonnaies sont en train de faire progressivement leur place dans l’actualité économique et politique depuis le début de l’année 2021. Cependant, le concept de la cryptomonnaie existe depuis la fin des années 80. En effet, David Chaum a créé en 1989 l’entreprise DigiCash Inc. en vue de créer une monnaie virtuelle utilisée dans le monde entier et pour effectuer des transactions de manière anonyme. L’entreprise déclara banqueroute en 1998, et ce n’est qu’en 2009 que Satoshi Nakamoyto publia le livre blanc fondateur « Bitcoin: A Peer-to-Peer Electronic Cash System ». Satoshi Nakamoto est le pseudonyme de la personne ayant développé la cryptomonnaie Bitcoin (BTC) qui opère de manière totalement décentralisée. Cette dernière est aujourd’hui la plus grosse cryptomonnaie c’est-à-dire celle dans laquelle le plus de liquidités a été investie. Nous proposons dans cet article, sans revenir sur les bases techniques de la cryptomonnaie, un retour sur les événements économiques essentiels de l’année 2021.
Une hausse spectaculaire de la capitalisation des cryptomonnaies
Le BTC existe depuis 2009 et a connu une hausse significative en 2017 avant de redescendre brutalement. La fin de l’année 2020 et le début de l’année 2021 a marqué une deuxième hausse fulgurante. La valeur du BTC a connu une hausse durant le second semestre de l’année 2020 et est ainsi passée de 10000$ environ le 1 octobre 2020 à 60.000$ en décembre 2021.

La capitalisation de l’ensemble des cryptomonnaies est passée de 666 milliards d’euros le 31 décembre 2020 à 2617 milliards d’euros le 10 novembre 2021.

Source : abcbourse.com
La dominance du BTC, c’est-à-dire le pourcentage de liquidité mis par les investisseurs dans le BTC par rapport à toutes les autres cryptomonnaies, a diminué. Autrement dit, dès que le BTC est en baisse, il entraîne avec lui l’ensemble des autres cryptomonnaies. La baisse de la dominance du BTC marque la baisse de l’influence du cours du BTC à l’égard du cours des autres cryptomonnaies.
L’adoption progressive des cryptomonnaies par les États
Si les économistes ont des avis mitigés sur l’essor des cryptomonnaies, certains économistes dénient leur qualité de monnaies et utilisent le terme de crypto-actifs ou d’actifs numériques. En ce sens, Christine Lagarde énonce que « Les cryptomonnaies ne sont pas des monnaies. Point final. Les crypto-monnaies sont des actifs hautement spéculatifs qui revendiquent une renommée en tant que monnaie ». Plusieurs préoccupations sont émises concernant les cryptomonnaies. Outre leur aspect hautement spéculatif et donc la nécessité d’informer les investisseurs non-aguerris, il s’agit principalement de la préoccupation tenant au financement des activités illicites.
Le terme de cryptomonnaie est cependant juridiquement valide puisque, depuis le 7 septembre 2021, le BTC est devenu au Salvador, et pour la première fois dans le monde, une monnaie ayant cours légal. Il ne peut donc plus être considéré seulement comme un crypto-actif. Avec 62 votes sur 84, le Congrès du Salvador a adopté le projet de loi déposé par le président Nayib Bukele. La loi Bitcoin reconnaît le BTC comme une monnaie officielle ne pouvant être refusée par les commerçants (sauf exception prévue à l’article 12), ni par l’administration fiscale pour payer les impôts. Mais elle va plus loin en engageant l’État à promouvoir le mécanisme de la blockchain afin de le rendre accessible à une population qui n’est, pour ses deux-tiers, pas bancarisée. Ce sont d’ailleurs les pays d’Amérique latine subissant une inflation très forte de leur monnaie qui sont les plus à même de donner un cours légal aux cryptomonnaies. Un projet de loi en Argentine a été par exemple déposé à la Chambre des députés en vue d’autoriser les travailleurs à choisir une rémunération entre le peso argentin ou le BTC. A contrario, certains États ont, durant cette année 2021, interdit progressivement les cryptomonnaies.
L’exemple le plus marquant de l’année 2021 est la Chine qui possédait un nombre extrêmement important de mineurs (tiers validant les transactions sur la blockchain). Après avoir interdit en mai aux institutions financières et aux entreprises de commercialiser des services liés aux cryptomonnaies et en juin le minage dans une région de la Chine, la Banque centrale chinoise a déclaré le 24 septembre les activités commerciales liées à la monnaie virtuelle comme activités financières illégales. Cette annonce a fait chuter brutalement le cours du BTC et donc du reste des cryptomonnaies.
Il convient de noter également l’adoption progressive de monnaies numériques de banque centrale (MNBC) afin de moderniser leur système financier, d’accélérer les paiements à l’internationaux ainsi que de freiner l’augmentation de l’utilisation de cryptomonnaies en tant que monnaie courante. C’est la Chine qui a un train d’avance dans le domaine puisque plus de 140 millions de chinois ont ouvert un portefeuille numérique et 62 milliards de yuans numériques ont été dépensés selon un haut responsable de la Banque centrale chinoise. L’Eurosysteme se dirige également vers cette voie puisqu’après avoir rendu un rapport en octobre 2020 sur l’euro numérique, une phase d’étude du projet numérique a commencé en juillet 2021 et devrait durer deux années. La Banque de France annonce avoir terminé avec succès, le 16 décembre 2021, la première tranche de son programme d’expérimentation de MNBC pour le détail « de gros » lancé en mars 2020 et complétant la phase d’étude pour une MNBC de détail en euro lancée en juillet 2021.
Cryptomonnaies et volatilité
Les cryptomonnaies sont souvent décriées pour être volatiles, pourtant il existe des cryptomonnaies quasi-stables (USDT, USDC, DAI, EURS, etc.). Ces stablecoins sont indexées sur les monnaies fiduciaires (euro, dollar, etc.). Elles permettent notamment de mettre les capitaux des investisseurs à l’abri dans les périodes de fortes volatilités mais peuvent aussi servir comme simples moyens de paiement. La Commodity Futures Trading Commission a ainsi poursuivi l’entreprise Tether qui émet le plus gros stablecoin, l’USDT. Elle lui reprochait son manque de sincérité dans ses mécanismes de réserve. Pour faire simple : « Contrairement à ce qui était affirmé, Tether ne détenait pas la totalité des réserves de son token USDT en dollars américains : elle s’appuyait sur des entités non régulées et des tiers pour détenir une partie de ses réserves. Elle avait également une portion de sa réserve en commun avec Bitfinex ». Mais l’année 2021 marque la fin des poursuites pour la plus grande entreprise de stablecoin puisqu’un accord a été trouvé le 15 octobre 2021. Une transaction de 41 millions de dollars devra être versée par Tether.
À la suite de cette affaire, un rapport a été rendu le 1er novembre par l’organisme fédéral d’assurance de dépôts bancaire (FDIC), l’office de contrôle des monnaies (OCC), et le Groupe de Travail du Président sur les Marchés Financiers. Le rapport vient établir les principales problématiques que pose l’émission des cryptomonnaies stables aux systèmes monétaires et financiers. Outre le risque concernant le financement des activités illicites, est abordé le risque systémique tenant à la généralisation de l’utilisation des cryptomonnaies stables et à la protection des investisseurs du fait de leur mécanisme de fonctionnement. Le rapport émet plusieurs recommandations, à savoir celle d’inciter le Congrès à adopter une législation fédérale mettant en place une surveillance prudentielle cohérente et globale des cryptomonnaies stables (p.18). Le rapport préconise également la limitation de l’émission de ces cryptomonnaies stables à des entités qui sont des institutions de dépôts assurées (p.19), c’est-à-dire en substance des banques ou des caisses d’épargne et de crédit (voir la section 1813(c)(2) du Titre 12 du code des États-Unis d’Amérique).
Cryptomonnaies et environnement
Une des autres grandes préoccupations liées au développement du BTC tient au fait que le BTC ne serait pas écologique. En effet, pour authentifier les transactions des calculs importants doivent être fait par les ordinateurs. Les mineurs utilisent donc une quantité importante d’électricité. Jean-Michel Servet énonçait pour l’Institut Rousseau que l’université de Cambridge est « la seule organisation à fournir une cartographie de la production du bitcoin et des données détaillées assez bien actualisées ». Le Cambridge Bitcoin Electricity Consumption Index (CBECI) évalue l’empreinte carbone du bitcoin.
Source : Cambridge Bitcoin Electricity Consumption Index (CBECI)
Elon Musk avait par ailleurs annoncé l’acceptation le 24 mars par Tesla des paiements en bitcoin aux USA. Mais il s’est rétracté le 13 mai au motif que les transactions de BTC seraient trop énergivores. Si en septembre Tesla avait annoncé lors d’un dépôt trimestriel auprès de la Commission américaine des valeurs mobilières (SEC) que la reprise des paiements en BTC pourrait avoir lieu prochainement, seuls les paiements en Dogecoin ont été ouvert en décembre, et uniquement pour le « merchandising » c’est-à-dire les produits dérivés, excluant donc les voitures.
Les législateurs ont également été sensibles à cet impact environnemental des cryptomonnaies puisque le Sénat de l’État de New-York a voté, le 8 juin, à 36 voix pour et 27 contre, le projet de loi modifiant la loi sur la conservation de l’environnement. Ce projet établit un moratoire sur les opérations utilisant la Proof-Of-Work pour valider les transactions sur la blockchain (tel le BTC) et exige un examen de ces activités par une étude d’impact environnemental exhaustive. Alors que le premier texte établissait un moratoire de 3 ans concernant ces activités, la seconde version supprime cette durée et se concentre uniquement sur les entreprises qui utilisent des sources de combustibles à base de carbone pour alimenter les opérations de minage utilisant la Proof-Of-Work. Une nouvelle section 19-0329 est donc introduite dans la loi sur la protection de l’environnement. Cette nouvelle section définit les conditions d’octrois et de renouvellement des permis par le département de la conservation de l’environnement (§2). Le texte précise également le contenu de l’étude d’impact environnemental qui doit être établi (§3), les modalités de la consultation publique (§4), ainsi que la prise en compte des remarques du public dans l’étude d’impact finale (§5). Il doit passer désormais devant la New York State Assembly. En France, l’article 27 de la loi du 15 novembre 2021 sur l’empreinte environnementale du numérique exige la transmission d’un rapport du gouvernement sur l’impact des cryptomonnaies au Parlement dans un délai d’un an à partir de la promulgation de la loi.
Cryptomonnaies et finance
Malgré toutes ces préoccupations, les investisseurs sur les marchés financiers veulent désormais s’exposer aux cryptomonnaies. La cotation de Coinbase, première cotation en bourse d’une plateforme crypto-monnaies, en témoigne. De plus, plusieurs demandes de création d’Exchange Traded Fund (ETF) ont été déposées auprès de la SEC. Le premier fonds à avoir été autorisé en 2021 est Proshares Bitcoin Strategy ETF (BITO) sur la Bourse de New-York le 19 octobre, un deuxième a directement suivi le 22 octobre au nom de Valkyrie Bitcoin Strategy (BTF). L’autorisation porte sur un ETF qui s’expose indirectement au BTC via les contrats futures. Le 13 novembre 2021, la SEC a rejeté la demande de la société d’investissement VanEck de lancer un fonds négocié en bourse qui suit directement le prix du BTC. La Commission n’a autorisé que les ETF Bitcoin liés à des futures, des contrats qui parient sur le prix futur du BTC et qui sont réglementés par la Commission de négociation des contrats à terme sur matières premières (Commodity Futures Trading Commission – CFTC).
La société de gestion d’actifs VanEck, basée à New York, avait déposé en décembre 2020 une demande de création d’un ETF Spot. Après avoir repoussé la prise de décision la SEC a finalement refusé le 12 novembre la création de l’EFT directement indexé au prix du BTC en tant que l’entreprise VanEck n’a pas réussi à satisfaire les préoccupations que la Commission a précédemment exprimé au sujet du marché des cryptomonnaies, il s’agit principalement du grief tenant à la manipulation du marché.
Les éléments économiques prospectifs apparus durant l’année 2021 autour de la blockchain
Bitcoin et cryptomonnaies ne sont plus les seuls termes à connaître, d’autres sont apparus en premier plan, il s’agit notamment des NFT mais également du métaverse. En témoigne l’entreprise Facebook qui a changé son nom pour se renommer Meta Platforms, Inc.
Le métaverse est un monde virtuel basé sur la blockchain dans lequel les individus pourront interagir. Ce monde virtuel offre des perspectives économiques nouvelles. C’est le cas de l’immobilier puisque des plateformes comme The Sandbox ou Decentraland permettent d’acheter des immeubles virtuels. Un terrain s’est ainsi vendu à 4,3 millions de dollars sur The Sandbox.
Le NFT ou Non Fongible Token, pour sa part, est un titre de propriété numérique unique et basée sur la blockchain. Ce titre est rattaché à un objet numérique, il peut s’agir d’une photo, d’une vidéo ou d’une bande audio. Cette unicité de l’objet numérique fait en sorte que les NFT sont en avant-première dans le monde de l’art. Les plus grandes maisons de ventes aux enchères telles que Christies ou Sotheby’s sont pleinement investies dans cet eldorado. L’œuvre de l’artiste Beeple qui rassemble 5000 de ses dessins a été mis sous forme de NFT et mis à prix à 100 dollars par la maison de vente aux enchères Christies. Une quinzaine de jour plus tard, soit le 11 mars, l’œuvre a été adjugée à un peu plus de 69 millions de dollars. Il s’agit du troisième prix le plus élevé atteint par un artiste de son vivant après Jeff Koons et David Hockney. L’association entre NFT et métaverse est en cours de développement. Nike a par exemple racheté en décembre RTFKT, une marque de mode digitale. Ces derniers auront par exemple pour utilité que les individus les portent dans l’univers métaverse qui est en cours de développement. Des soirées seront accessibles uniquement à ceux qui sont en possession d’une collection de NFT (BAYC par exemple) que ce soit dans des soirées physiques mais également dans le métaverse grâce à des casques de réalité virtuelle. Ainsi, les possesseurs d’une collection NFT pourront assister à des soirées privées, concerts ou autres événements, en présentiel ou dans le métaverse, réservés uniquement aux détenteurs de cette collection. Des chinois, anglais, français, ou norvégiens pourront ainsi communiquer entre eux via une traduction instantanée. Ils pourront être invités et habillés grâce à des NFT. Le concert donné le 23 avril par Travis Scott sur Fortnite avec ses 27,7 millions de spectateurs est révélateur des nouvelles possibilités engendrées par le métaverse.
D’autres actualités économiques sont évidemment passées sous silence, comme les nombreux hacks sur les plateformes de la finance décentralisée touchant à la cryptomonnaie, ou bien encore aux nombreux procès très médiatiques. Un jury fédéral de Miami a par exemple rendu une décision opposant la famille de David Kleiman à Craig Steven Whright. Ce dernier a été condamné à payer 100 millions de dollars à W&K Info Defence Research LLC pour violation de la propriété intellectuelle. L’affaire était particulièrement suivie du fait que Craig Steven Whright se revendique comme étant Satoshi Nakamoto et donc le détenteur d’un portefeuille de 1,1 million de BTC (valorisé à 54 milliards de dollars au cours actuel). La famille de David Kleiman faisait valoir la contribution de ce dernier à la création du BTC et réclamait donc la moitié des 1,1 million de BTC rattachée au portefeuille anonyme de Satoshi Nakamoto. De plus, si la question du statut juridique se pose toujours dans la majorité des États, c’est bien les États-Unis qui sont à la pointe de la problématique que pose la question du statut juridique du XRP qui est émise par Ripple. Il s’agit d’une des plus grosses cryptomonnaies en termes de capitalisation. La SEC a déposé une plainte en décembre 2020 et l’année 2021 a donc été riche en rebondissement judiciaire. Une décision devrait être rendue en 2022.
Hanif Oubrou
Sources :
https://www.cftc.gov/PressRoom/PressReleases/8450-21
http://www.pbc.gov.cn/goutongjiaoliu/113456/113469/4348521/index.html
http://www.pbc.gov.cn/goutongjiaoliu/113456/113469/4348521/index.html
http://institut-rousseau.fr/le-bitcoin-mirage-monetaire-et-desastre-ecologique/
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/3730/CION-DVP/CD176
https://www.nysenate.gov/legislation/bills/2021/s6486/amendment/b.