
La candidature de Bernie Sanders à la primaire démocrate et la popularité d’Alexandria Ocasio-Cortez ont amené à populariser leurs préconisations de politique économique et, ce faisant, le corpus théorique sur lequel elles se fondent. Qu’il s’agisse de la garantie d’emploi ou du Green New Deal, ces propositions ont pour point commun de se fonder sur les travaux d’auteurs se réclamant de la Théorie Monétaire Moderne (Modern Monetary Theory ou MMT), aussi appelés « néo-chartalistes ». Stéphanie Kelton, auteure du livre Le mythe du déficit, premier ouvrage MMT traduit en français, fut ainsi conseillère économique de Bernie Sanders.
Souvent présentée comme totalement disruptive ou au contraire réduite à une simple théorie de la planche à billets, la MMT s’inscrit en réalité dans une tradition économique qui précède largement ses fondateurs que sont Randall Wray, Warren Mosler, Stephanie Kelton ou encore Bill Mitchell. Il conviendrait ainsi plutôt, pour certains, de s’interroger sur le caractère véritablement novateur de cette « théorie ».
Pour y voir plus clair, il faudra ici présenter analytiquement les différentes thèses portées par les néo-chartalistes avec pour objectif de réfuter l’idée selon laquelle la MMT se résumerait à une théorie de la planche à billets, et de situer la MMT dans l’histoire des idées afin de nuancer son aspect novateur et disruptif dont elle est souvent teintée de prime abord.
Une approche analytique en quatre temps est nécessaire pour présenter l’ensemble des thèmes abordés par la MMT. Basée sur une classification proposée par Marc Lavoie, la MMT peut être résumée en quatre « piliers » :
- Une conception « chartale » de la monnaie, héritière de l’œuvre de Knapp ;
- Une conception des finances publiques et de la politique fiscale basée sur les notions de finance fonctionnelle de Abba Lerner et des soldes sectoriels de Wynne Godley ;
- Une approche de la question du plein emploi et de l’inflation qui débouche sur la proposition d’Etat employeur en dernier ressort formulée par Hyman Minsky ;
- Une étude des relations entretenues par le Trésor, la banque centrale et le secteur privé.
Une approche chartale de la monnaie : la monnaie comme « créature de l’État »
Le nom de néo-chartalistes fait référence à l’approche chartale de la monnaie développée au début du XXème siècle par le juriste et économiste allemand Georg Knapp, qui fournit une théorie alternative à l’approche communément admise de l’apparition de la monnaie. Dans l’approche canonique, la monnaie aurait été inventée pour pallier les limites rencontrées par les économies de troc face au problème de la double coïncidence des besoins, soit l’idée que dans un troc, les deux parties ne peuvent échanger que si chacune désire ce que l’autre offre. Knapp rejette cette explication trop simpliste, aujourd’hui considérée comme erronée par les anthropologues dans la mesure où, selon Caroline Humphrey, « aucun exemple d’économie de troc, pure et simple, n’a jamais été décrit (…) toute l’ethnographie disponible suggère qu’une telle chose n’a jamais existé ».
Si l’origine même de la première monnaie demeure inconnue, la monnaie moderne est, pour Knapp, « une création du droit [qui] peut subsister sans métaux monétaires, et la raison fondamentale en est que l’unité monétaire se définit non techniquement mais juridiquement ». Dès lors, la valeur de la monnaie ne résulte pas d’une supposée valeur intrinsèque du métal dans laquelle elle est fabriquée mais de « la volonté de l’État de l’accepter en paiement » et de sa capacité à la faire admettre par sa population via un système fiscal efficace. Dans cette approche, les impôts ont deux fonctions : « Ils créent une demande de papier-monnaie sans valeur » et « ils servent à approvisionner le gouvernement en termes réels, et non en termes financiers ».
Si cette approche originale peut surprendre, il convient de noter que Keynes lui-même inscrit son analyse dans un cadre chartaliste. En effet, après s’être perdu dans une véritable « folie babylonienne » – selon ses propres termes – durant laquelle il cherche à déterminer l’origine de la première monnaie, Keynes se ralliera finalement dans A Treatise on Money à la thèse chartaliste développée par Knapp. Il est en outre déjà possible de trouver une telle conception chez Adam Smith, pour qui :
« Un prince, qui décréterait qu’une certaine proportion de ses impôts doit être payée en papier-monnaie d’une certaine sorte, pourrait ainsi donner une certaine valeur à ce papier-monnaie, même si le terme de sa décharge et de son rachat définitif doit dépendre entièrement de la volonté du prince. »
On comprend alors que, pour les chartalistes, et leurs héritiers néo-chartalistes de la MMT, l’État n’est jamais financièrement limité par le recouvrement de l’impôt si celui-ci dispose de sa propre devise (il est dit « monopoliste de sa devise »), il n’a pas « besoin » de recouvrer l’impôt pour dépenser dans un second temps. La dépense précède alors toujours l’impôt, dans la mesure où l’impôt sert à faire accepter une monnaie précédemment émise, dans le but d’orienter les comportements vers certaines productions. Par l’impôt, l’État créé une demande pour ce qui ne serait sinon qu’un morceau de métal ou de papier dénué de valeur. Dès lors, on comprend qu’un État monopoliste de sa devise ne peut pas faire défaut (on reviendra sur ce point dans la dernière partie). Cette conception chartale de la monnaie constitue le premier pilier de la « théorie monétaire moderne », dont découle logiquement une certaine conception de la politique fiscale qui repose sur deux grands concepts : la « finance fonctionnelle » et les « soldes financiers sectoriels ».
Une approche fonctionnelle des finances publiques : le rejet de la doctrine des « finances saines »
En partant de l’approche chartaliste qui permet de penser les dépenses de l’État comme précédant nécessairement toujours ses recettes, Abba Lerner développe dans les années 1940 une approche analytique originale du fonctionnement des finances publiques et de ses conséquences macro-économiques. La doctrine des finances saines (sound finance) selon laquelle le budget de l’État doit être maintenu à l’équilibre est rejetée par Lerner, pour qui les finances publiques ne doivent pas être jugées en fonction d’un critère préétabli, ou ex-ante, de « bonne gestion » à l’image d’un ménage, mais plutôt au regard de ses conséquences sur l’économie réelle, soit une évaluation ex-post. Les finances publiques (que Lerner résume en trois paires d’instruments : dépenser et taxer, emprunter et rembourser, créer et détruire de la monnaie) ont pour objet de remplir des objectifs fonctionnels. De ce principe cardinal découlent trois « lois » qui, selon Lerner, doivent guider les finances publiques :
- Première loi : la responsabilité du gouvernement est de maintenir le niveau agrégé de demande équivalent au montant des biens et services qui peuvent être produits afin d’éviter l’inflation (en cas de dépassement) ou de chômage (en cas de demande trop faible). Pour remplir cet objectif, le gouvernement utilise la paire dépense / taxe.
- Deuxième loi : l’objectif de l’emprunt d’État est la maîtrise du taux d’intérêt, dans la mesure où l’emprunt permet d’augmenter le taux d’intérêt qui, sinon, tomberait à zéro (ce point qui contredit l’approche mainstream sera détaillé plus bas), afin d’atteindre le bon niveau d’investissement. Il s’agit ici de la paire emprunter / rembourser.
- Troisième loi : pour le besoin des deux premières lois, la monnaie peut être, si besoin, créée et détruite, à la discrétion du gouvernement.
Pour résumer, les finances publiques doivent être jugées au regard du niveau de l’emploi, des prix et du taux d’intérêt atteints au sein d’une économie, et non en vertu d’un critère de bonne gestion des comptes publics visant à équilibrer dépenses et recettes. Si ce cadre d’analyse peut paraître aujourd’hui hétérodoxe, il semble qu’il n’en ait pas toujours été ainsi. Selon Randall Wray, le niveau élevé de dépenses durant la seconde Guerre Mondiale a pu favoriser le rejet de la doctrine des finances saines : le gouverneur de la banque de New York pouvait alors dire que « les impôts ne financent pas les revenus » et le jeune Milton Friedman, dans un article de 1948, tenait une position similaire à celle de Lerner, tout en ne tarissant pas d’éloges sur le fond de l’analyse menée par Lerner qualifiée de « brillante et stimulante » .
Pour certains, Lerner serait en réalité à l’origine d’une transcription politique de la Théorie Générale de Keynes, plus tard connue sous le nom de « relance keynésienne » et qui pourrait alors être rebaptisée « relance lernerienne ». Keynes lui-même, bien que se montrant relativement hostile dans un premier temps au concept de finance fonctionnelle, finit rapidement par reconnaitre la « grande valeur » de la « conceptualisation théorique derrière les propositions de Lerner [pour] clarifier la pensée et indiquer un moyen théorique d’obtenir un équilibre de plein emploi ». Lerner, avec son concept de finances fonctionnelles, pourrait ainsi être considéré comme le véritable père de la politique de relance Keynésienne.
Le deuxième concept qui définit le cadre de pensée des auteurs néo-chartalistes sur la question fiscale est développé par l’économiste post-keynésien Wynne Goodley à travers le cadre des « soldes financiers sectoriels ». Ceux-ci reposent sur le simple constat qu’il ne peut pas exister d’acheteur sans vendeur, que la dépense de l’un est nécessairement le revenu d’un autre. Au niveau agrégé, la somme des débits et des crédits des trois secteurs de la comptabilité nationale (secteur public, secteur privé et secteur étranger) ne peut donc qu’être nulle, comme l’illustre le graphique ci-dessous pour la France :
Source : MMT France
Ou pour les États-Unis :
Source : MMT France
Comme l’explique Robert Cauneau, comptable public et co-fondateur du réseau MMT France, cette approche est « utilisée par les économistes MMT pour illustrer la relation entre les déficits budgétaires publics et l’épargne privée ». On comprend en effet à la lecture de ces graphiques que le secteur privé ne peut disposer d’une épargne nette qu’à la condition que le secteur public dépense plus qu’il ne taxe ; en d’autres mots l’excédent du secteur privé n’est possible que si le secteur public est en déficit. En effet, le déficit public « entraîne la constitution d’une épargne privée du même montant », épargne qui diminue lors du paiement des impôts, qui réduisent le déficit public sur une année n. Si l’État dépense 100 et récupère 80 via les impôts, soit un déficit public de 20, alors le secteur privé bénéficie d’une épargne nette de 20.
Par ailleurs, si le secteur public n’est pas en déficit, l’épargne nette du secteur privé doit venir du secteur étranger. Ainsi, prôner le « sauvetage des finances » par les exportations revient in fine « à vivre sur le déficit public étranger », soit une situation intrinsèquement non universalisable dans la mesure où les exportateurs ne peuvent exister que si d’autres sont importateurs. L’approche des soldes financiers sectoriels permet donc de conclure à la nécessité du déficit et de la dette publique, qui représentent respectivement l’épargne et la richesse financière nette du secteur privé.
Concilier plein-emploi et stabilité des prix : une approche en termes de « stock-tampon » héritière de l’État employeur en dernier ressort (EDR) d’Hyman Minsky
Si la valeur d’une monnaie « est définie par ce qu’une quantité donnée de celle-ci peut acheter », alors l’État est nécessairement en grande partie responsable du niveau atteint par les prix ; la valeur attribuée par l’État aux biens et services achetés dans le cadre de ses dépenses publiques sont susceptibles de fonctionner comme un « stock-tampon » (buffer-stock), qui « ancre » les autres prix autour de cette valeur centrale. Ainsi, l’inflation peut être comprise comme « une augmentation continue du prix fixé par l’État ou par ses agents, directement ou indirectement, pour l’élément du stock tampon ». On comprend ici que cette proposition s’inscrit dans un cadre chartaliste : la monnaie étant une créature de l’État, c’est bien celui-ci qui fixe sa valeur, donc le niveau des prix.
Concrètement, dans un système d’étalon-or, l’État garantit la convertibilité de la monnaie en or à un prix fixe qui « ancre » le niveau des prix. A l’inverse, dans un régime de taux de change flottants, dans lequel nous nous trouvons actuellement, le stock-tampon privilégié est constitué par les chômeurs (soit une fixation indirecte du prix du stock-tampon, qui résulte d’une absence de dépense publique). Le taux de chômage élevé est justifié par le concept de « taux de chômage naturel », soit l’idée qu’il existerait un seul niveau de chômage compatible avec une inflation stable. Un niveau de chômage élevé permet alors de discipliner les salariés, modérer les exigences salariales débouchant sur une inflation faible. Ce stock-tampon de chômeurs est dénoncé comme étant sous-optimal par les auteurs de la MMT, qui lui préfèrent la solution de l’Employeur en Dernier Ressort théorisé par Minsky (EDR, déjà évoqué sur Easynomics : https://easynomics.fr/2021/12/14/la-garantie-emploi-une-mesure-pour-en-finir-avec-le-chomage-de-masse/). Pour Wray, « l’État peut formuler un point d’ancrage pour la valeur de sa monnaie en fixant de manière exogène le salaire des travailleurs de l’EDR ». Ce stock-tampon d’emplois garantis fonctionne en outre de manière contra-cyclique. Premièrement, il croît en situation de récession à mesure que les travailleurs sans emploi sont rémunérés dans le cadre de l’EDR, ce qui, en augmentant la dépense publique, soulage les pressions déflationnistes. De plus, l’EDR permet de localiser géographiquement l’augmentation des dépenses publiques en période de récession au sein des zones dans lesquelles le niveau de chômage est le plus élevé, ce qui amène certains à parler de « keynésianisme territorial » (spatial keynesianism). Deuxièmement, le stock-tampon d’emplois garantis décroît dans un contexte économiquement favorable à mesure que les travailleurs de l’EDR trouvent un emploi dans le secteur privé et, ce faisant, réduit les dépenses publiques associées au paiement des salaires de l’EDR, atténuant ainsi les pressions inflationnistes.
L’EDR est donc pleinement compatible avec les principes de la finance fonctionnelle présentés plus haut : le « bon niveau » de la dépense publique est celui qui permet de garantir le plein emploi et la stabilité des prix, passant par une politique de stock-tampon d’emplois garantis. La faisabilité concrète de cette politique prônée par la MMT, repose sur l’idée controversée selon laquelle l’État dépense toujours avant de disposer de recettes. Examinons maintenant le dernier axe développé par les néochartalistes : l’étude des relations Trésor-banque centrale – secteur privé.
Les impôts et les bons du Trésor financent-ils les dépenses de l’État ? Une étude controversée des relations entretenues par le Trésor, la banque centrale et le secteur privé.
L’idée défendue ici est simplement résumée par Stéphanie Kelton et Randall Wray : « ni les impôts, ni les bons du Trésor ne financent réellement la dépense de l’État ». Si nous avons déjà vu que pour la MMT, l’impôt est un moyen de créer et maintenir une demande pour la monnaie du Gouvernement et d’atteindre le bon niveau de demande agrégée, il faut maintenant se pencher sur la question du financement public par l’emprunt.
Sur cette question, les auteurs MMT s’opposent frontalement à la théorie des fonds prêtables ainsi qu’à son corollaire, l’effet d’éviction. Selon cette théorie, une augmentation des dépenses de l’État aurait pour conséquence d’augmenter les taux d’intérêt, freinant ainsi l’investissement privé, « évincé » par la hausse de l’investissement public. Gregory Mankiw et Mark Taylor expliquent ainsi que « Lorsque l’État emprunte afin de financer son déficit budgétaire, il engendre une réduction de l’offre disponible de fonds prêtables pour financer l’investissement des ménages et des firmes », ce qui résulte sur une augmentation du taux d’intérêt qui déprime l’investissement privé.
A rebours de cette analyse, les auteurs MMT démontrent qu’une augmentation du déficit public ne peut que diminuer progressivement le taux d’intérêt jusqu’à zéro. Seule l’émission de bons du trésor est alors susceptible d’enrayer cette baisse du taux, soit pour Stéphanie Kelton, « les bons du trésor (…) sont un instrument qui permet aux taux d’intérêt au jour le jour de rester positifs » . En effet, en supposant ici que le gouvernement dispose d’un compte à la banque centrale – c’est à dire que les dépenses supplémentaires résultent de la création monétaire de la banque centrale – l’augmentation des dépenses est à l’origine de réserves excédentaires pour les banques privées qu’il s’agit alors de prêter, ce qui débouche sur une baisse du taux d’intérêt. Les bons du Trésor sont alors utilisés pour « drainer » les réserves excédentaires, en les échangeant contre un titre de créance, opération qui permet de ramener le taux d’intérêt vers un niveau plus élevé. Pour résumer, si les taxes servent à refreiner la demande globale, « les titres d’État sont vendus au secteur privé pour empêcher le taux d’intérêt au jour le jour de tomber à zéro ».
Bien que les résultats de cette analyse semblent être aujourd’hui largement acceptés parmi les économistes hétérodoxes, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur sa portée : doit-elle réellement nous conduire à considérer que les impôts et les bons du Trésor ne financent pas la dépense publique ? En réalité, il semble que cette idée soit fondée sur une hypothèse de consolidation de la banque centrale et du Trésor en une seule et même entité, qui a pu être largement critiquée. Sous cette hypothèse, le Gouvernement a un accès direct à la monnaie créée par la banque centrale, de telle sorte qu’il n’est effectivement pas nécessaire de taxer avant de dépenser. Or, il est clair que cette hypothèse ne présente pas un fort degré de réalisme, mais représente plutôt, pour certains, un objectif institutionnel à atteindre.
En outre, la « dépense avant la taxe » ne fonctionne que pour un pays disposant d’une « monnaie souveraine ». Or, pour atteindre le plus haut niveau de souveraineté monétaire, un État doit combiner plusieurs conditions que résument ici Marc Lavoie : « la monnaie nationale est l’unité de compte ; les impôts et les dépenses publiques sont payés dans cette monnaie nationale ; la banque centrale n’est pas entravée par des réglementations qu’elle s’impose et peut acheter ce qu’elle veut ; il n’y a pas de limites ou de règles constitutionnelles concernant la dette publique ou les déficits publics ; la dette publique ainsi que les dettes privées de l’économie nationale sont libellées dans la monnaie nationale ; il existe un régime de taux de change flottant ». Cet ensemble de conditions semble exclure de fait un grand nombre de pays de l’analyse du « spending before taxing » : nombre de pays s’endettent en devise étrangère, les pays membres de l’UE n’émettent pas leur propre devise, etc. Les auteurs MMT reconnaissent ainsi que leurs préconisations s’appliquent avant tout aux États-Unis, ainsi qu’à quelques autres États tels que l’Australie, le Japon, le Canada, etc.
Conclusion
En définitive, il semble que la MMT puise largement ses racines dans la tradition de l’économie postkeynésienne, soit des économistes qui prennent en compte les aspects « radicaux » de l’œuvre de Keynes, tels que l’incertitude radicale ou l’importance de la monnaie. Les analyses d’Abba Lerner, Hyman Minsky ou Wynne Goodley qui sont au cœur du corpus de la MMT, ne sont ainsi pas spécialement « modernes ». On comprend néanmoins la volonté de présenter la MMT comme une théorie nouvelle, comme l’explique Marc Lavoie : « Changer le nom de néochartaliste en théorie monétaire moderne fut un mouvement marketing astucieux : qui peut s’opposer à ce qui est moderne ? ». Peut-être la tendance à s’autonomiser de l’économie post-kéynesienne vient-elle également du fait que nombre de critiques ont pu venir de ce même courant, critiques qui pourront être abordées dans un prochain article. On espère ici avoir pu fournir un panorama des différentes thèses défendues par les auteurs se réclamant de la MMT, tout en nuançant son caractère foncièrement « moderne ».
Basile Clerc
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